Patrimoine
Cathédrale : protéger l'inestimable
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Elle traverse les décennies et les époques, repère immuable au cœur du centre historique. Sur la place qui porte fièrement son nom, la cathédrale Saint-Vincent est indissociable du quotidien des Chalonnais mais également des visites effectuées tout au long de l’année par des touristes du monde entier. Classé monument historique dès le début du XXe siècle, cet édifice incontournable de la Ville de Chalon a déjà fait l’objet de plusieurs vagues de restauration à travers les siècles.
L’ambition contemporaine de restaurer le bâti intérieur de la cathédrale est née il y a une quinzaine d’années, après la reprise des deux premières travées occidentales de la nef. Cette réfection, aisément visible dès la porte franchie, contraste aujourd’hui avec le reste de l’édifice noirci par la poussière des années et les fumées des cierges. Ainsi, après plusieurs mois dédiés aux études de maîtrise d’œuvre, les travaux de rénovation intérieure de la cathédrale vont pouvoir débuter.
Un ensemble cathédral unique
« Nous avons à Chalon une singularité au niveau de la Bourgogne, celle de posséder un ensemble cathédral complètement conservé : la cathédrale, l’ancien évêché et le cloître », rappelle Gilles Platret.
« Quand nous avons repris en main les dossiers de la mairie en 2014, nous avons d’abord souhaité achever celui du cloître et lui donner une nouvelle dimension avec la restauration complète d’une aile qui n’existait plus ». En parallèle des travaux menés sur ce site devenu aujourd’hui une référence du patrimoine chalonnais, la Ville de Chalon a vendu le bâtiment de l’ancien évêché afin que celui-ci soit restauré et réhabilité en logements neufs. Aujourd’hui, la dernière pierre de la restauration de l’ensemble cathédral est prête à être posée. Le chantier, qui débutera début mars, devrait s’achever en 2027. D’ici là, maçons, sculpteurs, électriciens, serruriers, menuisiers, couvreurs, chauffagistes, acousticiens, charpentiers vont se croiser, se succéder et s’épauler en mettant leur savoir-faire au service de ce site chargé d’histoire.
Restauration et valorisation
Afin que les parois de l’édifice retrouvent leur blancheur originelle, les spécialistes appliqueront une couche adhésive qui, au moment de son retrait, emportera avec elle les impuretés accumulées au cours des années. Pour garantir la cohérence esthétique de l’ensemble, ce processus de nettoyage sera complété par la réfection des décors à faux-joints. Dans chaque recoin de la cathédrale, les décors peints ainsi que les objets d’art bénéficieront également d’une restauration minutieuse. Les biens du « trésor » de la cathédrale profiteront eux aussi de ce programme de revalorisation (NDLR : le trésor d’une cathédrale ou d’une église est traditionnellement le regroupement d’objets précieux qui servaient à l’exercice ou à l’ornement du culte mais aussi à la vénération des reliques).
À Chalon, ce trésor autrefois dérobé, en partie retrouvé puis restitué n’est pour l’heure pas visible du public. La redécouverte d’une ouverture bouchée au XIXe siècle entre un collatéral du choeur et la chapelle Notre-Dame de Pitié servira aux artisans pour créer une vitrine où seront présentées les pièces les plus remarquables. « Il ne s’agit évidemment pas d’exposer à la tentation de vol les pièces les plus importantes mais tout de même de pouvoir montrer un certain nombre d’éléments du patrimoine mobilier de la cathédrale en son sein ». Avec cette même volonté de dévoiler la beauté architecturale que les époques précédentes ont parfois souhaité dissimuler, les artisans rouvriront l’arc ainsi que les remplages gothiques dans la chapelle Jeune Foucaude. Ces missions accomplies, la municipalité mettra le point final à cette campagne de restauration en réaménageant intégralement le parvis de la cathédrale.
Un édifice mieux protégé et plus accessible
Avant cela, la sécurité du bâtiment sera revue et corrigée. Au-delà de l’installation électrique, entièrement reprise et mise aux normes, la protection incendie a fait l’objet d’une attention particulière. Il y a cinq ans, les terribles images des flammes rongeant Notre-Dame de Paris ont témoigné de l’absolue nécessité d’améliorer en permanence la surveillance de ces sites si singuliers. En avril 2023, les sapeurs-pompiers et les services de la municipalité ont donc mené une simulation d’envergure afin d’évaluer leur intervention et les améliorations à apporter.
Le scénario de la manoeuvre ? Un départ de feu dans l'ex-chaufferie en raison de travaux d'électricité, avec trois victimes et des œuvres d’art menacées par les fumées du sinistre. Le rendu de cet exercice, qui renforça la coordination entre toutes les parties concernées, a livré de précieux enseignements concernant l’accessibilité du bâtiment pour les secours. « L’idée est de créer des colonnes sèches, d’aménager des cheminements sécurisés dans les combles pour une intervention plus rapide et plus efficace en cas de départ de feu. On a également un compartimentage des combles pour éviter une propagation trop rapide comme ce fut hélas le cas à Notre-Dame ». L’humidité étant une ennemie aussi dangereuse que le feu, les fissures stagnantes seront rebouchées et une partie de la couverture sera changée avec l’ajout de nouvelles ardoises. Aussi bien pour son affectation au culte que son attractivité touristique, la cathédrale se doit d’être accessible à tous. Les visites des personnes à mobilité réduite seront facilitées, notamment par la mise aux normes de la rampe d’accès de l’entrée principale.
Un chantier entre quatre temps
Chaque période de travaux correspondra à un secteur géographique précis de la cathédrale. « Il y a une période où la cathédrale sera fermée mais nous avons tout fait pour que la restitution au culte puisse se faire le plus rapidement possible ». La première partie, dont le lancement est prévu dans quelques semaines, sera consacrée aux travaux sur la nef, ses collatéraux puis la toiture. Début 2025, la phase n°2 se concentrera sur le transept, le choeur et les combles. En 2026, le chantier se poursuivra en site occupé avec une action centrée sur le secteur de la salle capitulaire. La quatrième et dernière phase, prévue en 2027, sera celle de la reprise des chapelles et du parvis. Autant que possible, les Chalonnais auront l’occasion de suivre l’avancée de ce chantier hors du commun. À la demande de la Ville, les entreprises retenues pour mener les travaux se sont en effet engagées à mettre à disposition un salarié pendant les Journées européennes du patrimoine pour assurer des visites, des démonstrations ou des animations. « Nous voulons que le public puisse s’approprier l’évolution du chantier. C’est notre patrimoine commun, nous déploierons donc des actions de médiation ».
Un projet subventionné
Le coût des travaux est estimé à 5,9 millions d’euros, hors taxes. Compte-tenu de la nature du chantier, la Ville de Chalon n’assumera pas seule la charge financière de la restauration. L’État, via la Direction Régionale des Affaires Culturelles, s’est d’ores et déjà engagé à verser une subvention de 2 millions d’euros. Plusieurs autres collectivités ont été sollicitées, la municipalité espère ainsi atteindre un niveau de subventionnement proche des 4 millions d’euros. « Ce chantier à venir marquera la complétude de la restauration d’un ensemble cathédral fabuleux ». Essentiel pour renforcer le rayonnement touristique de Chalon et indispensable pour assurer la conservation de notre patrimoine, ce nouveau projet de restauration permettra à notre cathédrale de continuer à écrire une histoire qui dure depuis près de 1 000 ans. « Charge ensuite à nos arrières petits-enfants de poursuivre le travail car nous savons que l’entretien de notre patrimoine requiert une attention permanente ».
Durant les premières phases du chantier, jusqu'en octobre 2025, la Cathédrale n'est plus accessible au public.